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>>Philippe Lepage, entre diplomatie et pédagogie

Philippe Lepage, le nouveau chef de service de Pédiatrie de l'HUDERFLe médecin bruxellois a quitté la direction du service de Pédiatrie de l’Hôpital de la Citadelle à Liège pour prendre la tête de celui de l’HUDERF.

Le tableau coloré qui pend au mur du bureau qu’il occupa pendant plus de cinq ans au cinquième étage du bâtiment central de l’Hôpital universitaire de la Citadelle à Liège est là pour le rappeler. Le professeur Philippe Lepage est depuis toujours un amoureux de l’Afrique. "Ce tableau représente un dispensaire africain, explique-t-il de sa voix calme. C’est en fait un centre de santé nutritionnel idéalisé. Je l’ai acheté au Rwanda il y a une dizaine d’années à une ONG qui oeuvrait en faveur de femmes malades."

D'Ixelles à Kigali

Diplômé de l’ULB en 1974, et reconnu spécialiste en 1979, Philippe Lepage gagnera le Rwanda dès 1982 après un passage à l’Hôpital d’Ixelles où il exercera au sein du service de pédiatrie générale pendant trois ans. Son expérience africaine de près de dix ans lui permettra de parfaire sa connaissance des maladies infectieuses au sein d’un établissement de 80 lits blotti au coeur de Kigali et d’entamer de passionnantes recherches sur la propagation du virus du SIDA. "Bien qu’au début des années 80, nous n’étions pas les seuls à travailler dans ce domaine, nous avons tout de même fonctionné comme des pionniers à une époque où l’on commençait à parler énormément de la maladie, poursuit-il. Lorsque nous avons obtenu des moyens de la part de l’Unicef et de la Communauté européenne, nous avons pu étudier la problématique de transmission du VIH de la mère à l’enfant en mettant notamment le doigt sur le problème de l’allaitement. A l’époque, nous effectuions des études de cohorte avec un suivi de nombreux patients sur une période prolongée."
De retour au pays fin 91, Philippe Lepage poursuit une thèse d’agrégation à l’ULB (sur le thème du virus du SIDA chez l’enfant) en même temps que ses activités de chef de clinique puis de chef de service de pédiatrie de l’hôpital Ambroise Paré à Mons. Il devient alors professeur et commence à dispenser des cours tout en poursuivant son activité de gestionnaire qui l’amène à organiser au jour le jour le travail d’une trentaine de pédiatres et d’assistants.

Et de la Citadelle à l'HUDERF

En 2000, à la faveur d’un appel d’offre, il est amené à prendre la direction du service de pédiatrie de l’Hôpital universitaire de la Citadelle, qui surplombe la ville de Liège. Aujourd’hui, c’est l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola qui lui ouvre ses portes.
"Je pensais sincèrement finir ma carrière à Liège, enchaîne-t-il. Mais le poste de chef de service de pédiatrie de l’HUDERF s’est ouvert en décembre 2004 à la suite du décès brutal du professeur André Kahn. Le travail au sein de cet hôpital me semble très intéressant d’autant que je n’arriverai pas en terrain inconnu puisque je suis Bruxellois d’origine. L’un de mes objectifs sera de créer un esprit d’équipe entre les différents médecins de l’hôpital qui, en plus des pédiatres, compte également des chirurgiens, des cardiologues… C’est également un beau challenge que de travailler en pluridisciplinarité dans une optique de médecine moderne. A terme, j’aimerais également développer une synergie avec les différents établissements périphériques comme ceux du Hainaut et de la province de Namur par exemple pour avoir une bonne collaboration entre tous et casser cette barrière entre les hôpitaux universitaires et ceux qui ne le sont pas."

"On ne s'habitue jamais à la mort d'un enfant"

Le travail avec les enfants est quelque chose d'assez unique. Cette orientation correspondait mieux à ce que j'étais réellement...Si le professeur Lepage a consacré toute sa carrière à la pédiatrie, c’est en partie grâce à la richesse de sa rencontre avec Henri-Louis Vis, professeur de Pédiatrie et de Nutrition à la faculté de médecine et ancien chef du service de pédiatrie de l’HUDERF, disparu en avril 2002. Un homme qui marqua la médecine de son empreinte.
"Au départ, j’hésitais entre la médecine interne et la pédiatrie, enchaîne-t-il. Mais le travail avec des enfants est quelque chose d’assez unique. Cette orientation correspondait mieux à ce que j’étais réellement. Je n’ai fait mon choix définitif qu’en dernière année de doctorat. D’autant que cette médecine offre un éventail de travail très large. Même s’il est parfois plus difficile d’établir le contact avec des enfants et que l’on ne s’habitue jamais à devoir affronter la mort de l’un d’eux. Au cours de ma carrière, il m’est arrivé de pleurer dans des situations difficiles."

Diplomate et pédagogue

Le style soigné, la moustache impeccablement rasée, des petites lunettes sur le nez, le professeur Philippe Lepage a pris ses nouvelles fonctions de chef du service de pédiatrie de l’HUDERF. Un style et une personnalité qui manqueront au cinquième étage de la Citadelle où l’homme faisait l’unanimité. Dans les couloirs de l’hôpital liégeois, on ne cache d’ailleurs pas sa tristesse de voir s’en aller celui que l’on n’hésite pas à qualifier de "grand monsieur".
"C’est quelqu’un de très accessible, d’ouvert et d’extrêmement diplomate", confirme Christine, sa fidèle secrétaire qui regrette le départ de ce pédagogue hors pair.
Même son de cloche du côté des nombreux assistants qui ont été amenés à le fréquenter dans les couloirs de l’hôpital. "C’est quelqu’un de très cultivé avec qui on peut parler d’énormément de choses, explique Julie, une étudiante en deuxième année d’assistanat. Il met facilement à l’aise et peut même souvent faire preuve de beaucoup d’humour."
Des qualités plus qu’appréciables en milieu hospitalier.

:: Défenseur d'une médecine à visage humain :: Comme la plupart de ses illustres prédécesseurs, le professeur Philippe Lepage défend bec et ongles l’humanisation de la médecine. "La médecine n’est pas encore assez humaine à mon goût. L’écoute est et doit rester essentielle, insiste-t-il. Il est important d’accorder un maximum de considération aux familles en autorisant notamment celles-ci à assister aux interventions et aux actes que nous posons sur leur enfant. Il est crucial qu’elles interviennent dans le processus décisionnel et qu’un dialogue s’instaure avec le corps médical."
C’est encore dans cette optique d’humanisation que l’équipe que dirigeait le professeur Lepage à Liège a mis sur pied des visites hebdomadaires de chiens au sein de l’hôpital de la Citadelle et a développé les séances de musicothérapie et les visites de clowns dans les unités d’hospitalisation. Des initiatives que le médecin juge bénéfiques pour le moral des jeunes patients, parfois hospitalisés pour de longues périodes.

Auteur : David Bertrand
Source : Osiris News (n° 2, septembre-novembre 2005)