Une comparaison internationale confirme les excellents résultats obtenus par la clinique de diabétologie pédiatrique de l'hôpital des enfants à Bruxelles. Son taux moyen d'hémoglobine glyquée de 7,3% la place en effet à la tête des 21 centres testés. C'est surtout un gage de la qualité des soins qu'on y prodigue.
Une comparaison internationale du taux d'hémoglobine glyquée (HbA1c) a été réalisée, dans le cadre de l'Hvidore Study Group on Childhood Diabetes, dans 21 centres de diabétologie pédiatrique de 19 pays industrialisés(1) (sauf la France). Ces centres ont été choisis pour leur importance et sont dirigés par un pédiatre diabétologue membre de l'International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD)
2032 échantillons, provenant d'enfants et d'adolescents âgés de 11 à 18 ans, ont été analysés, dont 142 pour le centre belge. Le dosage a été réalisé au Danemark pour garantir l'uniformité et éviter la tricherie.
Toujours en 1ère place
La Belgique, représentée par la clinique de diabétologie de l'Huderf (Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola, Bruxelles), obtient les meilleurs résultats: 7,3% d'HbA1c, résultat moyen du centre ajusté pour l'âge, le sexe, et l'ancienneté du diabète. Cette étude confirme les résultats obtenus dans une comparaison internationale faite à deux reprises où le centre de l'Huderf, dirigé par le Pr Harry Dorchy, occupait déjà la première place: en 1995, chez des enfants diabétiques âgés de 0 à 18 ans, issus de 22 centres de diabétologie pédiatrique de 18 pays industrialisés d'Europe, d'Amérique du Nord et du Japon et, en 1998, chez des ados de 11 à 18 ans de 21 centres de diabétologie des 17 pays précédents (sauf USA).
"Dans l'ensemble, les résultats obtenus cette fois-ci se sont améliorés de 0,5%, ce qui n'est pas terrible", commente Harry Dorchy. Six centres ont un taux significativement plus petit que la moyenne de 8,17% (Belgique, Luxembourg, un des deux centres italiens, Suisse, Allemagne et Danemark), 8 sont dans la moyenne et 7 centres ont des valeurs significativement supérieures à 8,17% (jusque 9,1%).
Pourquoi comparer l'hémoglobine glyquée? "Parce que c'est un marqueur objectif de la qualité des soins puisqu'une seule mesure reflète la moyenne glycémique pendant les deux mois qui précèdent la prise de sang, précise-t-il. Le problème du patient diabétique c'est qu'il est pris entre Charibde et Scylla, d'un côté s'il est en hypoglycémie, il risque le coma, et de l'autre, s'il est en hyperglycémie, il risque des complications à moyen et long terme. Plus la substitution se rapproche de la physiologie, moins on a de risque de complications à long terme".
Chez un sujet normal, l'HbA1c est inférieure à 6%, chez un diabétique, elle varie de 7% à plus de 12%. "On sait grâce à une étude prospective américaine, Diabetes Control and Complications Trial (DCCT)(2), que pour éviter les complications à moyen et long terme, il faut que l'HbA1c soit <7%, poursuit-il. Au dessus, le risque est exponentiel. Mais en pratique, il n'est pas évident d'atteindre cet objectif. Dans cette étude, la plupart des centres sont à 8% en moyenne".
On peut légitimement se poser la question de l'intérêt d'une telle étude. "Il faut savoir que le diabète est la principale cause de cécité dans le monde occidental. Pourquoi les gens ne sont pas bien soignés? Parce qu'ils ne peuvent pas se payer le traitement, parce que le médecin n'est pas bon, ou encore parce que le patient ne suit pas les bonnes recommandations. Si l'HbA1c est à 9% pendant 6 ans, par exemple, le risque de rétinopathie est de 76%, de neuropathie de 60% et de complications rénales de 54%".
Du grand art
Comment dès lors peut-on expliquer ces différences entre centres? "Pourquoi c'est meilleur chez moi? Le diabète c'est un peu de l'art: tous les peintres ont les mêmes pinceaux, mais ils ne font pas pour autant les mêmes tableaux, observe le diabétologue. A Bruxelles, notre population est composée à plus de 50% d'immigrés. C'est le plus haut taux des 21 centres et cependant, nous avons de bons résultats. Je suis content pour mes patients parce que cela veut dire qu'ils sont bien soignés. La différence vient surtout de la stratégie thérapeutique".
Pour Harry Dorchy, équilibrer un diabète est en effet une affaire très difficile qui exige de prendre en compte une série de paramètres (glycémie, alimentation, activités…) et qui ne peut faire l'économie d'une certaine empathie pour son patient. "Il doit apprendre à adapter sa dose d'insuline selon son expérience du passé, sa glycémie, son alimentation… C'est complexe. Or, je pense que dans beaucoup de centres, le dosage de l'insuline se fait selon des algorithmes. Ensuite, il faut que le patient soit toujours reçu par le même médecin et il ne faut pas hésiter à avoir de longues discussions avec eux. Moi, je vois mes patients du matin au soir toute la semaine. En Belgique, nous avons également le privilège d'avoir une infirmière spécialisée qui peut passer sur les lieux de vie".
Il y a donc l'expérience de celui qui voit les patients, la continuité des soins (la diététicienne doit aussi bien connaître les insulines), la psychologie, le bon schéma insulinique… Autant d'éléments qui entrent en compte. "C'est l'art de guérir", conclut-il.
Enfin, Harry Dorchy note qu'il est le seul à voir ses patients encore à l'âge adulte: "C'est très important parce que je connais pratiquement les complications qui peuvent survenir des années après l'adolescence. C'est plus motivant".
(1) Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Finlande,
Grande-Bretagne, Irlande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Macédoine,
Norvège, Pays-Bas, Suède, Suisse, USA.
(2) NEJM 1993;329:777-86
Auteur : Martine Versonne
Source : Le Journal du Médecin
(n°
1709 du 04/11/2005) - ©Lejournaldumedecin.com