Fêter les vingt ans de l'HUDERF n'est qu'un début. L'avenir de la médecine pour enfants se dessine plein de promesses, mais aussi de difficultés. Lors de la séance académique qui a marqué la célébration de cet anniversaire, Philippe Lepage s'est penché sur les défis de la pédiatrie de demain.
Le 15 septembre dernier avait lieu la séance académique organisée en l'honneur des 20 ans de l'Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola. L'occasion de se retourner sur un parcours mouvementé, mais aussi de se projeter dans l'avenir. Nous avons rencontré le Professeur Philippe Lepage, Chef du service de pédiatrie de l'HUDERF, pour lui demander ce qui attendait cette institution, très spéciale, dans le futur…
Des pathologies qui changent
Depuis la création de l'HUDERF, le type de pathologies qui touchent les enfants a changé. Beaucoup de maladies ont été pratiquement éliminées par les progrès de la vaccination. D'autres, qui étaient graves il y a 20 ans, peuvent aujourd'hui être prises en charge facilement par la médecine générale – la rougeole est un bon exemple. La baisse de fréquentation des différents services pédiatriques qui résulte de ces tendances n'est que partiellement compensée par l'apparition de nouvelles pathologies de nature beaucoup plus complexe comme certaines allergies, ou l'obésité et ses conséquences, l'hypertension et le diabète de type 2 chez l'enfant. D'un autre côté, explique le Pr Lepage, "il est de plus en plus rare qu'un enfant puisse être soigné par un seul médecin. Les nouvelles pathologies sont complexes et exigent une prise en charge multiple." Dans ce contexte, la spécificité d'un hôpital pour enfants comme l'HUDERF est un atout: "Nous proposons sous le même toit un très grand nombre de spécialités médicales ou paramédicales. Ce n'est possible que parce que nous pouvons accueillir un grand nombre de patients qui sont tous pédiatriques" poursuit le Pr Lepage.
Toujours plus d'exigence
Le public qui vient à l'hôpital est toujours
le même. Ce sont des enfants qui
sont soignés, et ces enfants viennent de
partout. Ce qui a changé, en revanche,
c'est le degré d'exigence des parents.
"Les parents sont plus attentifs à la qualité
des soins, confirme le Pr Lepage, ils
demandent aussi beaucoup plus d'informations.
Ils sont réellement intégrés
au processus de décision. Les médecins
passent donc de plus en plus de temps à expliquer leurs démarches, c'est une
demande parfaitement légitime de la
part des parents." Mais qui est aussi
une contrainte, et particulièrement à
l'HUDERF: "Comme nous sommes un
hôpital pour enfants, certains parents
s'attendent à ce que nous ayons réponse à tout, ce qui est évidemment irréaliste…
Le problème est particulièrement présent
aux urgences."
Un paysage bruxellois en mutation
L'HUDERF est aujourd'hui pleinement reconnu, dans sa mission de centre de référence de pédiatrie et de centre académique, au sein du réseau des hôpitaux de Bruxelles. Une place reconnue officiellement par l'accord ULB/IRIS. "Le but de cet accord est de mettre au point un équilibre entre les différents sites pédiatriques de ce réseau explique le Pr Lepage, nous ne sommes plus dans une logique de concurrence, mais de collaboration." Tous les hôpitaux font en effet face au même défi : le financement structurel de la pédiatrie est insuffisant. Beaucoup d'actes sont remboursés comme pour la médecine adulte, alors qu'ils prennent beaucoup plus de temps lorsqu'ils sont effectués sur des enfants. Et même si les signaux de la part des pouvoirs publics vont dans le bon sens, l'HUDERF reste particulièrement fragile, comme le montre le Pr Lepage. "Les autres hôpitaux peuvent équilibrer financièrement l'activité pédiatrique grâce à d'autres services qui, eux, génèrent des bénéfices. Pour nous, à cause de la spécificité pédiatrique de l'HUDERF, ce type de manoeuvre est impossible."
Une double solution
Face à tous ces défis, l'HUDERF doit
développer deux réponses en parallèle.
"D'une part, plaide le Pr Lepage, pour
décharger les urgences, il faut rendre la
médecine extra hospitalière plus accessible.
Il sera alors plus facile de rediriger
certains patients vers des pédiatres ou
des généralistes de ville. D'autre part,
les hôpitaux ont le devoir de s'adapter
aux évolutions, et de mettre aux urgences
des cliniciens et des infirmiers
qui ont la compétence nécessaire pour
traiter, mais aussi pour trier les pathologies."
Il y a d'ailleurs aujourd'hui de
plus en plus d'efforts pour augmenter et
améliorer les relations entre l'hôpital et
la médecine non hospitalière ou ambulatoire.
L'une des pistes, mais certainement
pas la seule, pour la pédiatrie de demain.
Auteur : Marion Garteiser
Source : Osiris News
(n°
7, décembre 2006-février 2007)