Le jury de l’asbl Iris-Recherche a également attribué un prix de 25.000 euros (en 2008 et 2009) au Pr Alina Ferster (Huderf) et à ses co-promoteurs Béatrice Gulbis (Erasme) et Françoise Vertongen (CHU Saint-Pierre) pour un projet d'éducation à la santé au bénéfice des patients dépranocytaires et de leurs familles.
Dans ces maladies chroniques émaillées d'incidents aigus, une des facettes importantes de la prise en charge multidisciplinaire est l'information des patients et des familles. Le fait d'apporter des réponses aux questions « qu’on n'ose pas poser », aide à prévenir les incidents aigus, soutient les familles et permet d'accompagner le patient dans les moments clés de sa vie.
Les hémoglobinopathies représentent les maladies monogéniques, létales sans traitement, les plus fréquentes dans le monde. On estime actuellement que 7% de la population mondiale est porteuse et que 300 à 400.000 nouveau-nés atteints naissent chaque année. La majorité d’entre eux sont des drépanocytaires (250.000). La fréquence la plus importante des naissances atteintes se situe dans les régions tropicales, en particulier en Afrique sub-saharienne, en Inde et au Moyen-Orient. Les flux migratoires, initiés depuis plus de 50 ans et en nette augmentation, de ces régions à haut risque vers des régions européennes à basse prévalence, ont pour conséquence de modifier le profil des maladies génétiques. En Europe comme à Bruxelles, les syndromes drépanocytaires surpassent actuellement en nombre, des pathologies génétiques plus familières comme la mucoviscidose ou l’hémophilie. Une enquête réalisée en Belgique en 2005-2006 auprès de 228 centres de pédiatries, de médecine interne et d’hémato-oncologie, a montré que parmi les patients suivis régulièrement, 83% sont drépanocytaires.
Un suivi difficile
Les syndromes drépanocytaires sont des maladies chroniques émaillées d’incidents aigus, dont le traitement préventif et curatif reste difficile. En cause le caractère polymorphe des présentations cliniques (complications ostéoarticulaires, neurologiques, visuelles, pulmonaires, cutanées, rénales) ou le fait qu'ils touchent des populations dont l’accès aux soins est souvent entravé et limité pour des raisons d’isolement, de couverture sociale insuffisante. Souvent aussi les parents des enfants malades ne reconnaissent pas les signes d’appels d’une crise ou d’un incident infectieux qui peuvent mettre en jeu la vie de l’enfant. Le contexte familial est difficile, avec des mères seules, des structures familiales africaines culturellement différentes des nôtres, un père qui n'est pas le père biologique etc. Or les syndromes drépanocytaires nécessitent une prise en charge globale, multidisciplinaire pour s’assurer de l’efficacité du suivi, de la prévention et du traitement (suivi de l’antibiothérapie et des vaccinations chez le jeune enfant, prévention des complications hématologiques, pulmonaires, rénales, ostéoarticulaires, oculaires, des accidents vasculaires cérébraux et du priapisme etc). Aujourd'hui le temps manque pour toutes ces tâches et trop souvent l'on imagine que tout est sous contrôle alors que ce n'est pas le cas.
L'éducation à la santé
L'objectif du projet est la mise en place par une infirmière spécialisée, au domicile des malades, d'un programme d’éducation à la santé. Ce programme à l'attention des familles et des enfants en âge de comprendre, abordera plusieurs thèmes comme faciliter l’accès aux soins médicaux et psychologiques, et fournir une information de qualité dispensée progressivement dans un contexte sécurisant et de confiance. Une attention particulière sera portée à l'annonce du diagnostic, aux précautions à prendre pour éviter les crises vaso-occlusives ainsi qu'à la reconnaissance des signes majeurs de la maladie et la différentiation entre ceux qui peuvent être traités à domicile ou qui nécessitent une prise en charge médicale urgente ou non. Les symptômes liés à la maladie, leur gestion dans la vie quotidienne seront réexpliqués à l’enfant, au besoin par des supports appropriés. Enfin il est important que l’enfant soit reconnu avec sa maladie en milieu scolaire (absences pour fatigue ou hospitalisations …).
En pratique 250 enfants seront suivis. dans une première phase, la manière dont l'information médicale (matériel pédagogique, bande dessinée, vidéo) passe auprès des enfants et des familles sera examinée via des grilles d'évaluation. Les résultats donneront matière à réflexion pour modifier les outils ou en concevoir d'autres selon les circonstances. Dans un second temps, des séances interactives sont prévues pour dialoguer avec les enfants, répondre à leurs questions ou en susciter d'autres.
Auteur : Dr C. B.
Source : Le Journal du Médecin
(n°
1913 du 22/04/2008) - ©Lejournaldumedecin.com
"Prix Iris-Recherche 2008 : sept projets pour améliorer la qualité des soins".