Lorsque le cœur et les poumons ne suivent plus, l'ECMO,
technique de circulation extra-corporelle importée des Etats-Unis, permet de remplacer
temporairement les organes
défaillants. Au sein de l'unité
de soins intensifs de l'HUDERF,
cette technique a déjà permis
de traiter plus d'une centaine
d'enfants.
Les premiers pas de l'ECMO
Tout a commencé au début des années 90. À cette époque, l'équipe des soins intensifs de l'HUDERF planche sur la mise
en place de l'ECMO (ExtraCorporeal
Membrane Oxygenation), une technique
de circulation extracorporelle qui permet
de mettre au repos le cœur et les poumons pendant quelques jours, voire quelques semaines. Alors que le programme
est en cours, un événement accélère la
mise en service de la technique: l'appel
d'une grand-mère en détresse. Son petit-fils âgé de deux ans vient de se noyer.
À l'AZ Sint-Jan de Bruges, son état est
jugé plus que critique. Le Pr Dominique
Biarent, chef de clinique des soins
intensifs et des urgences, décide alors
de ramener le petit garçon en hélicoptère. "Nous n'étions pas à l'aise car les
choses étaient en train d'aller plus vite
que prévu, mais nous avions la machine
ECMO, et même si le programme d'évaluation n'était pas terminé, nous devions tenter quelque chose", se souvient-elle
aujourd'hui. À peine 14 jours plus tard,
le petit garçon était tiré d'affaire.
Dernier recours
Une victoire anticipée donc pour cette
technique venue des États-Unis, et
d'abord développée à l'intention des
nouveaux-nés. "Nous y avons beaucoup moins souvent recours chez les
tout petits, car l'hypertension artérielle
pulmonaire des nourrissons – indication la plus courante auparavant – est
aujourd'hui traitée par oxyde nitrique.
Les enfants et les adultes bénéficient
actuellement davantage de l'ECMO",
explique le Pr Biarent. Complexe, très
invasive, la circulation extracorporelle
est aussi une solution de dernier recours
lorsque les autres modes de prise en
charge ont échoué. "Depuis l'arrivée
de l'ECMO, d'autres techniques se sont développées. La circulation extracorporelle est vraiment devenue la dernière étape. C'est pourquoi les résultats de l'ECMO sont statistiquement moins
bons qu'avant: les patients arrivent dans
un état plus grave." Actuellement, l'unité
de soins intensifs pédiatriques traite
par ECMO de 10 à 20 patients par an, ce
qui en fait, avec ses deux machines, le
centre le plus important en Belgique. Les
indications vont de l'insuffisance cardiaque, par exemple après une chirurgie
du cœur, aux cardiomyopathies (maladies du muscle cardiaque d'origine
virale ou métabolique) ou au syndrome
de détresse respiratoire aiguë (SDRA),
lorsque la ventilation artificielle ne suffit
plus. "L'ECMO peut aussi être une solution lorsque des patients atteints d'une
pathologie cardiaque sont en attente
de greffe, le temps que la transplantation puisse être réalisée", ajoute le
Pr Biarent.
Les risques liés à l'ECMO
Une technique invasive qui ne va pas sans certains risques. "La mise en contact d'un corps étranger avec le sang provoque une accélération des cascades de coagulation. Pour empêcher la formation de caillots pouvant entraîner une thrombose ou une embolie, nous devons donc administrer des anticoagulants aux patients. Avec la prise de ces anticoagulants, le risque est de voir apparaître des hémorragies favorisées par le déficit plaquettaire causé par la circulation extracorporelle." À ce péril hémorragique s'ajoutent les risques infectieux, mais aussi techniques que suppose un tel dispositif. Bien que très performants, les équipements ECMO ne sont pas infaillibles et nécessitent une surveillance permanente.
Pas assez de patients traités
À l'heure actuelle, la circulation extra-corporelle n'est pas remboursée par l'INAMI bien qu'elle constitue parfois le dernier espoir pour de jeunes patients en détresse. La seule situation dans laquelle l'ECMO bénéficie d'un remboursement? Lorsque le patient n'a pas pu être détaché de la circulation extra-corporelle en salle d'opération. "Après une opération du cœur, l'ECMO – qui est en fait une technique dérivée et simplifiée de la circulation extracorporelle pratiquée en salle d'opération – prend momentanément le relais. Mais ces patients opérés du cœur ne représentent qu'une petite proportion de ceux qui devraient être traités par ECMO." Le coût de la technique explique en grande partie pourquoi elle n'est pas autant utilisée qu'elle le devrait. Dans certaines situations, elle reste pourtant le seul moyen de sauver des vies. "Sur les 10 à 20 patients que nous traitons avec cette technique chaque année, 50 à 60% s'en sortent." Lorsqu'on sait qu'aujourd'hui seuls les patients dans un état extrêmement critique sont mis sous ECMO, ces chiffres sonnent comme un espoir.
Auteur : Julie Luong
Source : Osiris News
(n°
13, décembre 2008-février 2009)