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>>L'HUDERF au Tibet

Fillette sévèrement atteinte par la maladie de Kashin-BeckQu'est-ce que l'Hôpital Universitaire des Enfants fait sur les pentes de l'Himalaya? Du travail humanitaire... Mais aussi des recherches innovantes sur une maladie peu connue.

L'Hôpital Universitaire des Enfants est présent au Tibet par le truchement du Pr Goyens, chef de clinique de l'unité de nutrition et métabolisme et adjoint à la direction médicale. Une fois par an, il va passer quelques jours à quelques semaines sur place, pour participer au travail du Kashin-Beck Disease Fund (Fondation de la maladie de Kashin-Beck).

La maladie de Kashin-Beck et ses mystères

Cette affection débute vers l'âge de quatre ou cinq ans et évolue jusqu'à l'âge adulte. Les articulations des patients touchés grossissent, se déforment, deviennent raides et douloureuses. Comme les cartilages de croissance sont touchés, de nombreux patients sont nains, avec des membres trop courts. Alors qu'elle est décrite depuis 1849, les causes précises de la maladie de Kashin-Beck ne sont pas connues. Il faut dire que cette maladie apparaît essentiellement dans des régions difficiles d'accès pour les scientifiques: le Tibet, la Sibérie orientale, certaines régions de Chine et, probablement, la Corée du Nord. À l'heure actuelle, les chercheurs pointent plusieurs facteurs de risque: une alimentation trop peu variée, la contamination des récoltes par des champignons, et des facteurs environnementaux.

Au Tibet sur invitation

C'est en 2001, sur demande de l'ONG Médecins Sans Frontières avec laquelle il avait déjà collaboré, que Philippe Goyens s'est pour la première fois intéressé à la maladie de Kashin-Beck. "Je suis parti au Tibet et j'y ai rencontré Françoise Mathieu, une kinésithérapeute qui avait séjourné au Tibet et a soigné cette maladie pendant plusieurs années. C'est elle qui a créé le Kashin-Beck Disease Fund, quand MSF a décidé de mettre fin à son projet. Elle tenait à poursuivre le travail." Le Pr Goyens, ainsi que d'autres scientifiques, principalement Belges, a lui aussi continué à s'investir dans la région.

L'action contre la maladie de Kashin-Beck

La maladie de Kashin-Beck étant multi-factorielle, il est nécessaire de la combattre sur plusieurs fronts:

  • la protection des récoltes contre les champignons en cause dans la maladie. Dans ce but, il faut non seulement rendre le fongicide accessible (ce qui n'est pas évident dans des villages en altitude et souvent très isolés), mais aussi s'assurer que les produits sont utilisés de manière adéquate;
  • l'enrichissement du régime alimentaire: les efforts de la fondation visent à diversifier l'alimentation de la population: culture de légumes sous serre, réintroduction de cultures "oubliées" telles que les orties ou encore des arbres fruitiers (abricotiers ou pêchers);
  • la distribution de compléments alimentaires, en particulier le calcium et la vitamine D, des nutriments importants que le régime traditionnel tibétain n'apporte pas en suffi sance, mais également l'iode, le sélénium, la vitamine A…

Et l'HUDERF dans tout ça?

Le rôle de l'HUDERF dans cette lutte est indirect puisqu'il passe par la présence du Pr Goyens et du Dr Shancy Roose, pédiatre en formation. L'asbl des Amis de l'HUDERF soutient également la fondation. Cette action répond principalement à un objectif désintéressé, qui est de venir en aide à une population en difficulté et très oubliée... mais l'hôpital lui-même en retire des bienfaits. En premier lieu, la publication d'études et de travaux de recherche sur la maladie de Kashin-Beck. L'opportunité d'envoyer des personnes faire de la médecine dans des pays moins développés est elle aussi précieuse, comme le souligne le Pr Goyens: "la médecine pratiquée dans ce contexte est très différente. Privés d'imagerie et de laboratoire, les médecins doivent apprendre ou réapprendre à écouter leurs patients, à se pencher sur la clinique. Cette approche est très formatrice!"

:: La maladie de Kashin-Beck en chiffres ::
>Dans le monde, 2 millions de personnes souffrent de la maladie de Kashin-Beck, et 30 millions de personnes sont à risque de la développer.
>Dans certains villages, jusqu'à 50% de la population est affectée et donc fortement invalidée. Dans cette région d'agriculteurs, l'impact économique est très important.
>L'équipe locale du Kashin-Beck Disease Fund compte une douzaine de Tibétains, formés par la fondation, qui sont présents toute l'année et passent régulièrement dans les villages affectés par la maladie pour la mise en œuvre des projets: distributions de compléments nutritionnels, appui aux agriculteurs, prélèvements pour analyse…
>La Fondation vient en aide à une centaine de villages tibétains, et touche ainsi environ 10.000 personnes.
Du travail humanitaire:: Pas seulement le Tibet :: L'HUDERF, au travers du Pr Goyens, était aussi présent au Vietnam jusqu'à l'année dernière, puisqu'il participait à un projet de soutien de l'un des hôpitaux d'enfants les plus importants de Hô Chi Minh Ville.
Constitué à l'origine pour soutenir l'hôpital dans un programme de greffe hépatique chez l'enfant, le partenariat a évolué au fil des années. Le Pr Goyens a bon espoir de développer l'an prochain des projets visant la création d'un réseau en milieu urbain et rural autour de l'hôpital de référence, mais aussi à soutenir des activités "transversales" au sein de l'hôpital, telles que la nutrition, la gestion des antibiotiques, l'hygiène hospitalière... Sans oublier que l'HUDERF peut lui aussi bénéficier de ce partenariat: "Cet hôpital est dix fois plus grand que l'HUDERF, les moyens sont bien plus limités qu'ici, l'informatique est embryonnaire… et pourtant cela fonctionne!", souligne le Pr Goyens.

Auteur : Marion Garteiser
Source : Osiris News (n° 21, décembre 2010-février 2011)