Les enfants issus de l’adoption internationale nécessitent une prise en charge médicale particulière. Depuis cinq ans, le Dr Oriane Stévart et Nathalie Dirks mettent tout en oeuvre pour garantir leur bien-être tant physique que psychologique.
HUDERF, clinique d’infectiologie. Un bruit de marteau s’échappe du bureau du Dr Stévart. Des travaux en cours? Non, simplement la petite Anna qui découvre le son fascinant d’un jouet fracassé contre le sol. Anna aura un an dans deux semaines. C'est une adorable petite Éthiopienne aux grands yeux émerveillés. Un peu menue pour son âge, toutefois. "Rien d’étonnant à cela", rassure le Dr Oriane Stévart. "Anna est arrivée en Belgique à l’âge de huit mois. Comme beaucoup d’enfants du tiers-monde, elle souffrait de dénutrition et avait des parasites intestinaux." Le genre de souci de santé auquel on ne s’attend pas forcément lorsqu’on souhaite adopter un enfant venant de l’autre bout du monde. Et pourtant, l’adoption internationale comporte ses propres spécificités, et les enfants qui en sont issus requièrent une prise en charge sur mesure. D’où l’intérêt de la consultation spécialisée en adoption internationale de l’HUDERF.
Naissance d’une consultation spécialisée
La consultation en adoption internationale a été créée en 2003, sous l’impulsion du Pr André Kahn. Deux ans plus tard, le Dr Stévart reprend le flambeau. À l’époque, la jeune pédiatre venait d’effectuer un stage en infectiologie et adoption internationale au Canada. "Là-bas, le médecin en charge des enfants adoptés travaille en collaboration avec une infirmière de liaison, ce qui n’était pas le cas à l'HUDERF", explique le Dr Stévart. Forte de son expérience outre-Atlantique, elle propose à la direction de l’HUDERF de recruter une infirmière de liaison. Nathalie Dirks est alors engagée et formée. À ce jour l’HUDERF est le seul hôpital belge qui dispose d'une consultation en adoption gérée par ces deux profils complémentaires.
Une action en trois temps
À quel moment interviennent la pédiatre et l’infirmière de liaison lors du processus d’adoption? "Nous agissons à différents stades", précise le Dr Stévart. "Dans un premier temps, mais ce n’est pas automatique, les parents viennent me voir pour obtenir un avis médical sur le dossier de l'enfant proposé en adoption. Nathalie leur donne aussi des conseils pour préparer leur voyage dans le pays d’origine de l’enfant et pour faciliter la première prise de contact. Toutefois, bon nombre de familles ne nous consultent qu’au moment où le bambin est déjà là. Après la première consultation, nous revoyons généralement l’enfant au moins une fois au cours de la même année. Certains parents nous consultent ensuite une fois par an, d’autres non. Dans ce cas, le dossier de l’enfant sera transmis au pédiatre qui assurera son suivi."
Un bilan médical sur mesure
Le principal atout de la consultation? La prise en compte tant du bien-être physique que psychologique de l’enfant. Lors de sa première venue à l’HUDERF, un check-up complet - et même poussé - est évidemment au programme. Prise de sang, analyse d’urine, recherche de parasites dans les selles, dépistage de la tuberculose… Un bilan indispensable pour détecter l’une ou l’autre maladie potentiellement dangereuse. "Lorsqu’ils proviennent d’un pays du tiers-monde, 30 à 50% des petits adoptés sont contaminés par des parasites intestinaux, 30% souffrent de malnutrition, 5% de tuberculose, 1 à 2% d’hépatite B", note la pédiatre. Très courants aussi: un faible poids à la naissance (moins de 2,5 kg) et un retard du développement psychologique.
Chaque enfant est différent
Les risques que comporte l’adoption internationale ne sont pas uniquement liés à la santé de l’enfant. Il n’est pas rare que des soucis psychologiques viennent perturber la relation naissante entre les parents et le jeune adopté. "Tout dépend de l’âge de l’enfant, de son lieu de provenance et de son vécu", prévient Oriane Stévart. "Les nourrissons rencontrent moins de difficultés d’adaptation que les plus grands. C’est également le cas des enfants africains, avec lesquels il est souvent plus facile de créer un lien affectif qu’avec, par exemple, les enfants russes. Tout simplement parce que les petits Africains reçoivent plus d’attention dans les orphelinats: on les embrasse, on leur parle, on les berce… Le genre de détails qui, par la suite, leur permettra de s’attacher plus facilement à un adulte. Au contraire, les bébés russes n’ont pas assez de contacts avec les adultes. Résultat, ils développent des comportements presque autistiques: balancements d’avant en arrière, frottement répété de la tête, grincement des dents… Des attitudes très perturbantes pour les parents, mais qui relèvent en fait de l’autostimulation sensorielle. Ce manque de contact humain peut compliquer sensiblement l’établissement d’un lien avec ces enfants."
Des conseils psy
C’est ici que le travail de Nathalie Dirks fait toute la différence. À entendre Florence, la maman d’Anna, les conseils de l'infirmière lui sont d’un précieux secours: "Lors de la première consultation, on m’a expliqué de quelle manière procéder pour faciliter la création d’un lien avec ma fille", explique-t-elle. "Le principe de base? Seuls le père et la mère peuvent assurer les besoins primaires du bébé, du moins dans un premier temps. Ce lien de proximité signifie que personne d’autre ne peut lui donner à boire, à manger, le laver, l’habiller ou même le bercer. En clair, pour passer le relais à une baby-sitter le temps d’une sortie au resto, on devra encore patienter!", sourit Florence. Mais vu la mine enjouée de la petite Anna dans les bras de sa maman, nul doute qu’il n’y en ait plus pour longtemps. "Anna et moi, nous nous sommes vraiment trouvées. Et ça, je le dois en partie au Dr Stévart et à Madame Dirks." Florence compte revenir avec Anna dans six mois. La photo de la petite fille viendra certainement bientôt décorer le mur du bureau d’Oriane Stévart. Lequel compte désormais de nombreux portraits d’enfants… qui sont tous aujourd’hui en excellente santé!
Auteur : Candice Vanhecke
Source : Osiris News
(n°
25, décembre 2011-février 2012)