Si elle donne la priorité à l'urgence des soins médicaux, l'Unité de Soins Intensifs (USI) de l'HUDERF ne néglige pas la prise en charge humaine des enfants et de leur famille. Comme l'explique le Pr Biarent, Chef de clinique de l'unité, les actions menées en ce sens sont indispensables… mais encore loin d'être suffisantes.
Quand vous passez les portes
de l'unité, vous n'entendez
pas les alarmes inquiétantes, signal qu'un enfant est peut-être
en péril. Vous ne voyez pas non plus
les tuyaux et les machines impressionnantes, indispensables à la réanimation. Mais vous croiserez peut-être l'un
des parents de ces enfants en danger,
car vous entrez dans l'espace qui leur
est réservé. Un petit 25m2 avec salon, coin cuisine et salle de bain. Il ne paye
pas de mine, c'est vrai, mais on s'y sent
bien… ou mieux en tout cas. No man's
land un peu particulier, cet espace est
l'un des témoignages de la volonté
de l'équipe des soins intensifs de
l'HUDERF d'aider les parents à surmonter au mieux l'épreuve qu'ils traversent.
Une équipe récompensée pour ses
efforts en la matière par le prix Gert Noel
(cf. encadré). Parce qu'une unité de soins
intensifs pédiatriques implique qu'une
attention toute particulière soit apportée à la prise en charge psychologique des
petits patients, mais aussi et surtout de
leur famille.
Seulement 7 unités de soins intensifs pédiatriques existent en Belgique contre 250 unités pour adultes. Quelles sont les particularités des unités réservées aux enfants?
Tout! Une unité pédiatrique n'a rien à
voir avec une unité pour adultes. La
population est différente. Les pathologies sont différentes. La prise en charge
des patients est différente. Une unité de
soins intensifs pédiatriques ne ressemble en rien à une unité de soins intensifs
pour adultes. Beaucoup estiment qu'on
peut tout aussi bien prendre en charge
des enfants que des adultes. Après tout, mettre une perfusion revient toujours à
mettre une perfusion. Mais c'est faux!
La prise en charge du patient est totalement différente. Nous soignons l'enfant
certes, mais nous l'accueillons également en tant que membre d'une cellule
familiale.
Quelles sont les actions que vous avez mises en place en ce sens?
Le plus important, je pense, est de permettre aux parents de veiller sur leur enfant. Nous les accueillons 24h/24 dans l'unité. Ils peuvent dormir à côté de leur enfant et disposent depuis un peu plus d'un an d'un espace rien que pour eux. Les soins intensifs sont générateurs d'énormément de stress. Les patients y naviguent entre la vie et la mort. Ils sont entourés de tuyaux. Il arrive aussi que les parents assistent à des interventions très lourdes… Des enfants meurent dans l'unité. C'est très difficile à supporter. Il est important pour eux de disposer d'un lieu où prendre un peu de recul et s'ins-taller, au côté d'autres parents. Ils se soutiennent, se réconfortent. Autre point important: les parents sont invités à participer aux soins de leur enfant. Ils peuvent le laver, le nourrir… Lorsqu'ils restent plus longtemps dans l'unité, nous leur apprenons aussi à poser certains gestes médicaux. Cette participation leur permet de se sentir moins impuissants face à la maladie et à la mort. C'est important. Au-delà des gestes techniques et des soins, une part importante de votre métier est consacrée au dialogue…Au moins 30% de notre travail consiste à informer, soutenir les parents et répondre à leurs questions. L'univers médical est inquiétant, car synonyme d'inconnu pour la plupart d'entre eux. Pour maîtriser leurs émotions, ils ont besoin d'informations. Mais pas n'importe quelles informations! En surfant sur Internet, le risque est grand qu'ils reçoivent de façon beaucoup trop brutale des données, qui ne correspondent pas toujours à la réalité. Ici, lorsque nous leur expliquons la situation dans laquelle se trouve leur enfant, nous essayons de leur présenter les choses de la meilleure façon qui soit. Sans les édulcorer, mais en prenant tout de même une série de précautions oratoires. Aujourd'hui, ces parents arrivent souvent face à nous avec des informations qu'ils ont glanées ça et là et qu'il nous faut comprendre et trier avant de les leur restituer.
Par quel canal les parents peuvent-ils entrer en contact avec vous ?
Les médecins adjoints sont toujours présents dans l'unité, ce qui est un énorme avantage par rapport à d'autres services. Comme les parents peuvent aller et venir plus ou moins à leur guise dans le service, les contacts, qu'ils soient formels ou informels, sont nombreux. Nous avons aussi prévu un petit salon pour les entretiens plus officiels avec la famille. Parents, frères et sœurs, mais aussi grands-parents, ont ainsi le loisir de parler de tout ce qui les préoccupe. Mais attention, cette proximité ne fait pas pour autant de nous des psychologues. Nous avons nous aussi parfois besoin d'être soutenus. Chaque semaine, nous discutons des situations difficiles avec les membres de l'équipe pédopsychiatrique. Des réunions "post-décès" ouvertes à tous les soignants impliqués auprès de l'enfant décédé et des formations continues sont également organisées. Nous faisons un métier difficile. L'aide de psychologues nous permet de l'exercer au mieux.
Auteur : Aurélie Bastin
Source : Osiris News
(n°
10, mars-mai 2008)